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Stigmatiser les minorités

Journalistes : Nina Di Battista, Laure Blachier, Thomas Le Hetet, Maxime Grimbert ; Montage : Nina D., Laure B., Thomas L. ; Site web : Maxime G - Master JGen 2016

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Un raccourci qui se crée, et que ne manquent pas de reprendre certains politiques. Dans son discours au lendemain des attentats, Marine Le Pen, présidente du Front National, exigeait de l'exécutif de "retrouver la maîtrise de ses frontières nationales, définitivement." Demander la fermeture des frontières, c'est ramener l'origine du mal uniquement à cela. La faute est rejetée sur celui qui vient de l'extérieur. Par assimilation, on rejette la faute sur celui qui est étranger. Et si il a été prouvé que deux des attaquants étaient effectivement des étrangers entrés en Europe via le flux des réfugiés, les autres avaient la nationalité française. L'on peut d'ailleurs noter que dans son allocution, c'est la seule réponse que Marine Le Pen propose, avec la cessation des relations de la France avec les pays qui "entretiennent des relations bienveillantes avec l'islamisme radical" et la déchéance de nationalité française pour les binationaux qui commetraient des attaques terroristes. Des propositions qui sont entièrement tournées vers l'extérieur.


Après ces attentats, un climat de peur et de méfiance s'était instauré en France. A chaque nouvelle menace d'attaque, on pouvait voir tout un schéma discursif se mettre en place. Lorsqu'un homme se rend, le 7 janvier 2016, dans un commissariat armé d'un couteau de boucher, les médias se font l'écho de l'affaire. L'un des enjeux est alors de savoir si, oui ou non, l'homme a crié "Allahu Akbar". C'est prendre acte d'une réalité : le terrorisme se revendiquant de l'Islam ne cesse de croître. Mais alors, dès qu'un évènement du genre se produit, l'on pose la question. L'expression n'est pas l'apanage des terroristes et s'emploie fréquemment dans le monde musulman. Mais par l'effet de colocation décrit ci-avant, on risque d'assimiler son emploi à la seule pratique du terrorisme. Et en même temps, pour les journalistes, il y a un vrai enjeu à poser la question.


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L'on peut citer un dernier exemple d'assimilation du même genre. Présenté comme le cerveau des opérations, Abdelhamid Abaaoud a fait l'objet d'une traque pendant plusieurs jours. Celle-ci s'est terminée avec sa mort lors de l'assaut du Raid à Saint-Denis le 18 novembre. Le lendemain, Libération titre "Le visage de la terreur" avec une photo d'Abaaoud en une. Son visage est alors connu et renvoie immédiatement à l'idée de terroriste. Mais en mettant de côté ce que l'on sait et en s'en tenant uniquement à ce que l'on voit, ledit visage de la terreur est celui d'un homme basané et barbu. On associe "terreur" aux visages de ce type, une façon indirecte et -probablement- inconsciente de participer à la stigmatisation.

Le 13 novembre, les auteurs des attaques de Paris ont mené leur action au nom de l'organisation Etat Islamique. Cette dernière mène elle-même une guerre d'expansion au nom de l'Islam. En s'arrêtant simplement à ces faits, on pourrait rapidement dire de l'Islam que la violence est son essence. Par l'articulation des phrases et des mots, politiques et médias ont pu contribuer à propager cette idée, même involontairement. Nombreuses sont les fois où les mots "Islam" et "terrorisme"/"terroristes" se sont retrouvés placés dans la même phrase. Et même lorsqu'il s'agit de faire passer une idée inverse, cette juxtaposition des termes peut créer un rapprochement entre les deux. C'est ce que Claire Beyssade, sémiologue, présente comme un effet de colocation.

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