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L'urgence d'une union nationale

Journalistes : Nina Di Battista, Laure Blachier, Thomas Le Hetet, Maxime Grimbert ; Montage : Nina D., Laure B., Thomas L. ; Site web : Maxime G - Master JGen 2016

Vient alors le deuxième point: à chaque évenement extraordinaire, les chefs de l'exécutif insufflent une sympathie générale autour d'eux. En cas d'attentats, le phénomène se confirme d'autant plus. Après les attaques de janvier 2015, François Hollande a vu sa côte de popularité monter de cinq points pour atteindre 20% d'opinion favorable (sondage TNS Sofres/Figaro magazine).

 

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Pour son premier ministre, même son de cloche. Pour les attentats de novembre, Manuel Valls a gagné trois points (sondage BVA pour I-Tele). Alors, à qui doit-on cet état de grâce?

 

Pour Hélène Fily, journaliste à France Inter, les médias n'ont pas leur part de responsabilité dans cette adhésion soudaine. 

 

 

Dans l'urgence, les rédactions perdent parfois pied et ont du mal à donner du sens aux images ou aux mots qu'ils retranscrivent.

 

Dans les jours ou les semaines qui suivent de telles attaques, l'émotion prend le dessus. Mais à long terme, cette illusion d'union nationale, qui laisse peu de place à la réflexion, est elle dangereuse pour la démocratie ?

 

Débat, où t'es ?

 

Les esprits embués par la violence des évenements, les citoyens sont mis hors du débat politique. Sans perdre de temps, le 13 novembre à minuit, le Chef de l'Etat prononce le début de l'état d'urgence. Une décision qui renforce les pouvoirs des autorités civiles et limite certaines libertés individuelles, "pour des personnes soupçonnées d'être une menace pour la sécurité publique", écrit le site viepublique.fr.

 

Trois jours plus tard, devant les parlementaires réunis en congrès, François Hollande annonce, cette fois-ci, que les frappes contre Daech vont s'intensifier: "Hier soir, j’ai donné l’ordre à dix chasseurs-bombardiers français de larguer leurs bombes sur le fief de Daech à Raqqa. Ils ont détruit un centre de commandement et un camp d’entraînement. J’adresse toutes mes félicitations aux pilotes français qui ont réussi cette mission." proclame-t-il.

 

Personne n'a le temps de réagir, que tout est déjà mis en route. L'argument de l'urgence permet à ce moment-là de faire passer toutes les mesures. Si elles vous paraissent folles, peu importe, tout le monde doit être d'accord au nom de la lutte contre le terrorisme.

 

En tout, il aura fallu deux semaines pour réanimer le débat démocratique, voir les esprits s'élever à nouveau et s'opposer à certaines décisions prises dans l'urgence. 

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Dans les jours qui ont suivi les attentats de Charlie Hebdo, de l'hypercacher et de Montrouge, le choc a été immense. Mais pour montrer que la vie continuait, les français se sont rassemblés: sur la place de la république. Le 11 janvier 2015, ils étaient 2 millions de citoyens à célébrer, ensemble, la mémoire des victimes.


L'image est forte. Quatre millions de français dans les rues, deux millions rien qu'à Paris. A quelques centaines de mètres , dans le cortège, autre image marquante : celle de François Hollande, entouré de ses homologues internationaux. Tous ensemble, bras dessus bras dessous, ils entament une marche de plusieurs mètres dans les rues de Paris. De cette journée, Manuel Valls retiendra le naissance d'"un nouvel état d'esprit".


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Oui, depuis les attentats de Janvier 2015, les français semblent avoir ce quelque chose qui les lie, un sentiment d'union. Pour tenter de comprendre d'où cette ferveur provient, deux éléments sont à isoler:


Dans un premier temps, déterminer ce qui fait consensus permet de mieux cerner l'attitude au lendemain des attentats. Avant tout, vient le prisme de l'émotion. Ce sentiment de sidération face à l'horreur, mais aussi ce sentiment de peur, de révolte qui a habité le pays en un rien de temps devient la base de l'union nationale. Tout le monde se reconnait en l'autre.


Ensuite viennent les allocutions des dirigeants politiques. Pour le 7 janvier comme pour le 13 novembre, elles ont nécessairement un impact sur leurs auditeurs. De François Hollande, on retiendra ce discours prononcé devant le Congrès trois jours après les attentats de novembre. "J'ai tenu à me présenter devant vous [les parlementaires réunis en Congrès] pour montrer l'union nationale face à cette abomination". Il évoquera la cible qu'incarne aujourd'hui la France pour le terrorisme, comme une façon de prévenir l'opinion publique que tout le monde, désormais, est potentiellement une cible à atteindre. Le chef de l'Etat emploie alors des termes clés tout le long de son discours. "Notre démocratie", "nous éradiquerons", "une union nécessaire pour agir". En utilisant le "nous", François Hollande incite à l'adhésion d'un discours qu'il veut rassembleur. Une attitude que Pierre-Emmanuel Guigo tente de décrypter: "[en temps de guerre] le président apparait comme souverain, unificateur de la nation à la fois dans son discours et dans le cadrage médiatique" ​. Selon lui, insister sur cette idée d'union nationale est primordial dans un contexte de terreur comme l'a connu la France à cette période.