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Désigner les auteurs des attaques

Journalistes : Nina Di Battista, Laure Blachier, Thomas Le Hetet, Maxime Grimbert ; Montage : Nina D., Laure B., Thomas L. ; Site web : Maxime G - Master JGen 2016

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Barbare (adj. et subst) : sens 1 : Étranger, soit par sa race, soit par son appartenance à une autre civilisation ; sens 2 (fig) : (Celui) qui n'est pas encore ou n'est plus civilisé, qui appartient à un niveau inférieur d'humanité. Définition du CNRTL


« La France sera impitoyable à l’égard des barbares de Daesh » avait déclaré le président de la République François Hollande au lendemain des attentats de Novembre. L’ex ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner considérait que « ces barbares voulaient la fin des temps » et quelques jours plus tard la future présidente de la Région Ile-de-France Valérie Pécresse faisait un raccourci entre le « terrible barbare terroriste » et la fraude dans le métro.


Ce terme est aussi repris par certains média, comme le directeur des Rédactions du Parisien- Aujourd’hui en France, Stéphane Albouy qui analyse sur le site internet du quotidien « Les barbares à l’origine de ces carnages veulent importer sur notre sol une guerre qu’ils redoutent de perdre au sein de leur prétendu califat ». Pourtant ce mot « barbare » ne fait pas consensus au sein des rédactions. Pour certains ce mot déshumanise les terroristes ce qui atténue les faits. Pour d’autres, il s’agit d’un jugement de valeur que ne peut pas ce permettre le journaliste.

«Le terme barbare déshumanise le terroriste »


Dans l’étymologie même du mot, il y a βάρϐαρος / bárbaros, qui signifie « étranger ». L’étranger c’est l’autre. L’étranger était considéré comme étant un être inférieur dans la société grecque. C’est celui que l’on ne comprend pas, car il parle une autre langue. Mais si on prend aussi le sens figuré, le barbare c’est aussi celui qui est cruel, dénué d’humanité, qui n’est pas civilisé. Celui qui ne « parle pas la langue de la civilisation » selon la définition grecque. Or cette déshumanisation pourrait atténuer l’horreur des actes. C’est dans cette logique, que Willy Le Devin et Emmanuel Fansten, journalistes à Libération refusent d’employer le mot « barbare ».  


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Tandis que Jean-Marie Quéméner, rédacteur en chef de LCI fait une distinction bien précise entre l’emploi de l’adjectif et du nom. « Il y a le nom et l’adjectif. L’adjectif est incontournable. En tout cas on ne peut pas l’attaquer. C’était un acte barbare. Mais le nom est à utiliser avec beaucoup de précaution car il est connoté. Mais il peut être néanmoins désamorcé, en disant : ces barbares, vu la gravité de leurs actes… car on parle de la nature des actes et non des personnes. »


Certaines organisations et autorités musulmanes ont au contraire utilisé consciemment le mot « barbare » pour éviter toute stigmatisation. C’est dans un souci de se démarquer que le président du conseil régional des cultes musulmans, Amine Nejdi avait parlé « attentats de barbares qui agissent aveuglement » dans le journal L’Est Républicain. La déshumanisation des terroristes met toute distance avec le croyant musulman.



Fou, dégénéré mental, malade mental (adj. et subst.): Qui présente des troubles du comportement ou de l'esprit dénotant ou semblant dénoter une altération pathologique des facultés mentales. Définition du CNRTL


« Ce n’est pas le rôle du journaliste de juger. »


Bien que ces termes soient entendus dans la sphère privée et que beaucoup puissent le penser, aucun média ou personnalité politique semble vouloir prendre le risque de les employer.

Ces mots sont fortement connotés. Ils portent un jugement de valeur. Or « les journalistes ne doivent rapporter que les faits et rien que les faits » explique Hélène Filly, journaliste à France Inter, mais ils ne doivent pas surinterpréter les évènements.

« Je ne peux pas me mettre à la place de quelqu’un qui juge. Où est l’analyse psychiatrique ? Ce sont des qualificatifs que je ne me sens pas du tout en droit d’utiliser. C’est pas à nous de juger. A l’auditeur de se faire sa propre opinion. » La journaliste préfère employer les mots « d’assaillants », de « combattants » ou encore de « terroristes » qui sont démontrables. « Le journaliste doit être capable de démontrer tout ce qu’il avance. Toutes les informations qui passe sur la chaine sont vérifiées au préalable » assure Jean-Marie Quémerer.



Tous les journalistes semblent s’accorder sur les termes « combattants », « assaillants » ou « djihadistes » pour qualifier les auteurs de ces attaques, pourtant chacun de ces mots a un sens qui lui est propre.


Combattant (part. prés. , adj. , subst.) : Part. prés. de combattre. Adj. Qui prend part au combat (généralement militaire). Subst. masc. Personne qui participe, se livre à toute espèce de combat. Définition du CNRTL

Assaillant (part. prés. , subst.) : Part. prés. de assaillir. Subst. Mil. Celui qui assaille, qui attaque. Définition du CNRTL

Djihadiste (nom masc.) : (arabe «effort vers un but déterminé») Effort sur soi-même pour atteindre le perfectionnement moral ou religieux. Combat, action armée pour étendre l'islam et éventuellement, le défendre. Définition du Larousse.


Le mot combattant employé par les médias ou personnes publiques pour désigner les terroristes est généralement complété par « Etat Islamique », « Daesh » ou encore « organisation terroriste ». Car le combattant est celui qui se bat pour une cause, dans un but particulier. A l’inverse sa traduction arabe « Djihad » qui insinue « action menée pour étendre l’islam », n’a pas besoin de la précision. Le djihadiste est celui qui se bat au nom de l’islam. Raison pour laquelle, dans un abus de langage, le mot djihad est parfois traduit par « guerre sainte ».


Kamikaze (subst.): Avion, chargé d'explosifs, utilisé par les Japonais à la fin de la Seconde Guerre mondiale contre la marine américaine et piloté par un volontaire. Définition du CNRTL.


Ce terme propre à la Seconde Guerre Mondiale et à la culture japonaise est pourtant utilisé pour qualifier certains des auteurs des attentats, à partir du moment où ils ont activé leur ceinture explosive et voulaient mourir en martyr. Depuis la fin de la guerre, les occidentaux se sont emparés de cette expression et ont utilisé son emploi métaphorique. Dès lors le « kamikaze » désigne toute personne qui commet un attentat-suicide. Elément vérifié dans le cas des attentats de novembre pour terroristes qui se sont fait sauter aux terrasses de cafés, au Bataclan et au stade de France. Néanmoins tous les terroristes ne sont pas des kamikazes.


On le voit, chaque terme employé comporte un sens intrinsèque qui lui est propre. Du choix de ces mots peuvent découler des informations qui prennent des connotations complètement différentes. C'est à l'aune des principes et de la volonté de chaque acteur du discours médiatique que se fait le choix entre un terme ou un autre.

Par Laure Blachier

Barbares, fous, dégénérés, attaquants, assaillants, djihadistes, kamikazes. Les appellations pour désigner les assassins du 13 novembre sont nombreuses. Entre personnalités politiques ou journalistes, chacun a une manière bien spécifique de nommer les auteurs des attentats. Mais y'a t'il un terme exact ?  

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